Un droit d'alerte de l'expert-comptable en cas d'arrêt de perception de ses honoraires ?

26.08.2021

Gestion d'entreprise

Obligation pour l'expert-comptable d'informer et d'orienter le dirigeant, droit d'alerte en cas d'arrêt de paiement de ses honoraires, pérennisation du devoir d'alerte précoce du commissaire aux comptes… Un rapport parlementaire sollicite de nouveau les professionnels du chiffre auprès des entreprises en difficulté.

Faut-il créer un devoir d'alerte de l'expert-comptable ? Cette question - récurrente depuis le début de la crise de la Covid-19 - est une nouvelle fois posée dans un récent rapport de l'Assemblée nationale élaboré par la mission d'information commune relative aux entreprises en difficulté du fait de la crise sanitaire. Si les députés n'entendent pas confier aux experts-comptables un devoir d'alerte similaire à celui des commissaires aux comptes, ils préconisent tout de même de renforcer leur rôle de prévention.

Gestion d'entreprise

La gestion d’entreprise constitue l’essentiel de l’activité d’un dirigeant d’entreprise. Elle fait appel à un grand nombre de notions empruntées de la comptabilité, de la finance (gestion des risques au moyen de la gestion des actifs et des assurances professionnelles), du droit des affaires (statut juridique, contrats commerciaux, fiscalité, cadre réglementaire et légal de l’activité), de la gestion de ressources humaines...

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Droit d’alerte en cas d’arrêt de perception des honoraires

« Par sa mission comptable et de conseil, l'expert-comptable est en mesure de repérer certaines failles » , souligne le rapport d’information. L'un des signes de détection des difficultés est l'arrêt du paiement des honoraires du professionnel du chiffre. Dans ce cas, il est préconisé d’instaurer un entretien obligatoire entre l'expert-comptable et le chef d’entreprise. Et le professionnel aurait ensuite la possibilité d’effectuer un signalement auprès du tribunal. Une proposition pertinente car « en cas de difficultés, il arrive que l’expert-comptable cesse ses missions auprès de l’entreprise concernée, faute de paiement de ses honoraires » , est-il souligné.

Orientation et formation 

À côté de ce droit d'alerte suite à l'arrêt de la perception des honoraires, les parlementaires préconisent un devoir d'alerte de l'expert-comptable non pas auprès des tribunaux - comme les commissaires aux comptes - mais auprès du dirigeant. Cette obligation d'alerter le chef d'entreprise « aurait une visée pédagogique et devrait systématiquement permettre l’orientation du chef d’entreprise vers les acteurs et les procédures adéquats » , détaille le rapport. Une absence de réaction en cas d’alerte de l’expert-comptable pourrait avoir « des conséquences en cas d’engagement de la responsabilité du dirigeant devant le tribunal » .

Un outil de pré-diagnostic de sortie de crise, élaboré par l'Ordre des experts-comptables, devrait être mis en place d'ici la fin de l'été pour permettre aux professionnels de faire une première analyse de la situation d'une entreprise afin d'établir son score à la sortie de la crise. 

Pour remplir efficacement ce rôle d'alerte, les experts-comptables devraient être systématiquement formés au droit des entreprises en difficulté, estiment les députés. Que ce soit dans leur parcours de formation initiale ou dans le cadre de leur formation continue. 

Pérennisation du devoir d'alerte précoce du commissaire aux comptes

Du côté des commissaires aux comptes, il est également préconisé de renforcer leur rôle d'alerte, déjà plus poussé. Le rapport propose de pérenniser le dispositif temporaire mis en place durant la crise (Ord. n° 2020-596, 20 mai 2020) selon lequel le commissaire aux comptes a un devoir d'alerte du tribunal à un stade précoce de la procédure.

Pour rappel, le professionnel du chiffre peut informer le président du tribunal compétent « dès la première information faite, selon le cas, au président du conseil d'administration ou de surveillance ou au dirigeant » . Deux conditions :

  • Le commissaire aux comptes estime que « l'urgence commande l'adoption de mesures immédiates »  ;

  • et « le dirigeant s'y refuse ou propose des mesures que le commissaire aux comptes estime insuffisantes » .

Dans ce cas, le commissaire aux comptes informe « par tout moyen et sans délai » le président du tribunal de ses constats et démarches. Il peut également lui transmettre « tout renseignement complémentaire de nature à lui donner une exacte information sur la situation économique et financière de l'entreprise » , ainsi que demander à être entendu par le magistrat. À noter que le professionnel du chiffre est délié du secret professionnel à l'égard du président du tribunal. Ce dispositif est actuellement applicable jusqu'au 31 décembre 2021.

Ajouter le courrier du chef d'entreprise

Le document de l'Assemblée nationale reprend par ailleurs des propositions de la Compagnie nationale des commissaires aux comptes pour renforcer l'efficacité de l'alerte des commissaires aux comptes. Ces derniers seraient autorisés à informer le directeur général de la société anonyme des difficultés qu’il a découvertes, en plus du président du conseil d’administration (en cas de dissociation des fonctions).

Selon les députés, il serait également nécessaire d'ajouter au courrier transmis au tribunal le courrier initialement envoyé par le chef d’entreprise. Cela « permettrait une information plus rapide du président du tribunal sur les raisons qui ont conduit au déclenchement de la procédure d'alerte » , estiment-ils.

Incitation financière : chèque de 1 500 euros ou crédit d'impôt

Enfin, une aide financière pour inciter les petites entreprises à recourir à un professionnel du chiffre est de nouveau proposée. Et ce, dans la lignée du rapport Richelme publié en février dernier (Min. Justice, rapport sur la justice économique, 19 févr. 2021). L’objectif est d’accompagner le chef d’entreprise dans ses choix de gestion et de lui permettre, alors qu’il dispose de peu de trésorerie, d’obtenir des conseils d’un professionnel afin de traiter ses difficultés le plus en amont possible, expliquent les parlementaires. 

Les députés de la mission d’information commune entendent limiter cette aide aux « TPE et PME de moyenne taille » particulièrement touchées par la crise de la Covid-19 : soit celles qui ont fait l’objet d’une fermeture administrative, soit celles dont le chiffre d’affaires a baissé de façon significative. Il s’agit ici de limiter les effets d’aubaine. « Les critères d’éligibilité à ce dispositif pourraient être calqués sur celui du fonds de solidarité en y apportant quelques ajustements » , indique le rapport. Un critère de seuil de chiffre d’affaires serait notamment défini. De plus, cette incitation financière serait limitée dans le temps, « de l’ordre de deux ans à compter de la fin de la pandémie » . Elle pourrait prendre la forme d'un chèque de 1 500 euros ou d'un crédit d’impôt.

Céline CHAPUIS, ActuEL Expert-comptable
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